施静怡

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时间:2010-11-29 14:09:10 来源:

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LUO FAHUI
罗发辉
Stephanie DEBUEIRLANDE
施静怡(法国)


  身材瘦小,忧郁而聪慧的眼神,喜爱香烟和咖啡,画家在他宽大的画室里踱步,墙上挂满了大尺寸的面作。对罗发辉来说,绘画就是他生活里不可或缺的需要。“对我而言,绘画先于思考。”罗发辉对此有两点解释:一,本质上他是一名画者,二,他的画诠释了私人的故事和感情。社会和政治不是他的绘画主题。

  罗发辉从沙发上起身,又退回去审视着自己还没完成的作品。他不太满意:“有时,要画出我预想效果的画得花好长的时间。有时,还得放开画作,过一会儿再继续。”罗发辉又有了创作激情,他不会让画作搁置很久,踩在小画凳上,他与画作上人物的脸齐平,开始运笔作画,然后又退开,重新审视。

  罗的创作过程和作品本身只说明一点:是欲望驱使这个画家刻画欲望。走进罗发辉的画室,能体验到其创作动机与作品之间的完美统一:在一个全新的世界里,鲜花和女人以一种恣意的形态表现出来,身体以性爱后的苍白睡姿呈现出来。但是这种对欲望的表现从来都不是张扬的:欲望是内敛的,绘画方式是适度的,从而使作品赢得一种审慎的令人心醉的美。


关于欲望的故事

  罗发辉的作品在给人以第一震撼之余,还会引起观赏者的很多疑问。因为他刻画了交织着忧伤和悲惨的欲望。他表现了苍白的身体,溃烂的伤口,欲望的满足以及危险,伪善和荒诞。

  社会的和政治因素在他作品里不太明显,这似乎是逃避他过去所经历的“全民政治”的一种手段。罗发辉生于1961年,当时在重庆进行得如火如荼的文化大革命深深地印在了他的童年时代里。“我还记得一些可怕而荒谬的情景,但对一个像我这样的孩子来说那是一个非常自由的时代。”在这期间,他跟他的父母和妹妹分散了,他能玩到的游戏不多。“我用一截截木炭在白墙上画画,我受到的惩罚越多,我从中得到的乐趣就越多。”这种乐趣的意义在于他从中体验到了自由的滋味。在对这个乐趣的追逐中,少年罗发辉如同看闹剧一样旁观了那个时代的荒谬而残酷的一幕幕。

  但是今天他的作品想要告诉我们的是,所谓的乐趣很难跟痛苦分开,它不总是带来实在的意义,因为现在,自由是被人们遗忘的一种迫切需要。

  在那个年代,“我们的愿望直指自由”;今天,愿望因人而异:“年轻人抱怨自己没钱。对我而言,贫穷从来都不是一种实际的痛苦。自由的缺失才带来痛苦。”
罗发辉的世界

  绘画是完全自我的创作,罗发辉没有学生没有弟子。
  “作画是私人的行为,画家是独立的,没有人能帮他,我也没能力帮助别人。帮别人画画?这就象要求我帮他想法打发时间一样(......)有时候那些年轻的艺术者围着我要求我......我真感到不自在。”

  进入罗发辉的个人世界里,首先是颜色的印象,它们带着深深的忧伤,从黑色到灰白色,其间又施以玫瑰红和深红,既引人注意,又令人反感。
  灰色衍生于灰暗,意味着阴霾,多云;它又诞生于白色,暴露出光滑和冰冷。光滑和冰冷的是身体,性爱后因疲惫而僵直的身体。在享乐的位置呈现粉红-红色,在身体有伤口的其它地方,则是发黑的深红。
  深红色显示伤口的深度,也显示时间给伤口带来的变化。造成伤口的动作是看不见的,看到的只是其痕迹,持续显现的伤口和周围溃烂的肌肤。
  同样,爱欲的红色和痛苦的红色是相关联的。在花系列(见罗发辉的“大花”)中我们可以窥见一斑:花蕊迷人而令人担忧,既带着欢乐又带着痛苦。

绘画,时间的体验

  罗发辉的创作是其不同时期不同体验的结果,没有事先的设计(他对世界的视角因时间而改变),是对内心的探索。作品源于生活,作品只是时间给艺术家留下的不可预知的痕迹。罗发辉用心去感觉,他不会过多的解释。
  那就让我们通过“花”来看看时间带给这位艺术家的影响吧。从2000年初到现在罗发辉给它们以不同的表现。
  很久以来,罗发辉一直在“培育”这些“花”并逐渐使其变得悲惨。2003年以前,这些鲜艳而带有硅酮质感的人工花被画在了抽象的背景里,似乎散发出一种虚幻的美。后来慢慢的,从虚幻的美--欲望的对象,演变成了充满诱惑而令人厌恶的美,鲜活于云雾缭绕的情景中和灰暗的城市中。其模糊的花蕊,亦红亦黑,这与最初的面貌相去甚远,而第一批花表现的是女性性器官...... 从虚幻的对象到潜藏危险的对象,从荒诞的欲望到充满陷阱的欲望。

  在其作品主题越来越悲惨的同时,罗发辉作画时思想却越来越放松。怎样理解这二者的矛盾?怎样做到二者的统一...?
  时间是罗发辉的动力。身体比理智更能觉察到世界的变化。随时间的推移罗发辉发展了这种能力,他用身体作画,以天性作画,将创作过程变得自然而朴实。“以做爱的方式作画”,也就是说,进入一种忘我的境界,置身于一切干扰之外。“花”就是这样从虚幻中解脱出来,生活在真正的世界里...

作品的韵律

  还有比波德莱尔(Baudelaire)的诗歌更能配得上罗发辉安静的作品的吗?可能没有。罗发挥的“花”和“恶之花”(« Les fleurs du mal »)有种奇异的共鸣...
诗“高翔远举”(« Elévation »)和罗发辉的“仙境”有着惊人的相似: 
« (…) Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
 Va te purifier dans l’air supérieur, (…)
(…) Derrière les ennuis et les vastes chagrins
 Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
 Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
 S’élancer vers les champs lumineux et sereins ; (…) ».
 (...)远远地飞离那致病的腐恶, 到高空中去把你净化涤荡,(...)
 (...)在厌倦和巨大的忧伤的后面, 它们充塞著雾霭沉沉的生存, 幸福的是那个羽翼坚强的人, 他能够飞向明亮安详的田园;(...)
  罗发辉的神,不受重力作用,轻盈的漂浮于被欲望搅黑的城市上空。他们几乎没有性别的孩童的身体,没有欲望的痛苦,模仿“维纳斯的诞生”(« La Naissance de Vénus »):诞生了美神的那片海被阴暗而纷扰的城市所取代,贝壳被模糊的花所取代。罗发辉的玫瑰花就像波提切利(Boticelli)的玫瑰花一样,随着美神的发丝,在“高空中”里飘舞。
  罗发辉的神不是总模仿“维纳斯的诞生”,有时就像幽默舞剧里表演的那样模仿人类的欲望动作。我们来看看他的另一幅作品吧:有戴着太阳镜的神,有偷笑着的维纳斯,还有带着好奇和讥讽的表情观察下面这个无序而阴暗的社会的神!
  罗发辉笔下的神也有着苍白而宽大的面庞,在寂静的乌云里慢舞,他们的身体已从对欲望的等待中解脱出来了。
  罗发辉的作品能在寂静中航行:痛苦不呻吟,嘈杂而苦难的城市被有距离的刻画,欲望的满足即是欲望的死亡;只有神在舞蹈。
  西方观赏者来欣赏他的一些作品,会感到有一种天籁之音,像是管风琴的吧......让人想起意大利天主教堂里天花板上的绘画......

在欲望之上

  欲望引发行动,它开启了通向未来的一种可能。它是损害未来还是创造未来?这就是罗发辉让我们思考的东西。
  死亡在罗发辉的画布上游荡。苍白的身体,僵硬的脸庞和姿态,大理石卧像,或紧闭的眼睛,或死后依然注视着欲望对象的空洞眼神,像裹尸布一样的床单:所有这些拉近了我们和坟墓的距离。
  死亡,是不是疯狂追逐欲望的满足的不幸而必然的结果呢?在没有生命的躯体上,痛苦留下了痕迹。看来死亡紧跟疲乏而来,疲乏后不会有积极的可恢复的休息,但疲乏却能引向永远的休息...痛苦从何而来?疲乏从何而来?
  画家在他的创作过程中试图重现对欲望的无休止追逐。无休止地画“花”,总是同一个题材,却从不雷同,他的创作也是模仿对欲望的追逐的过程:这个欲望一旦得到满足,就马上着眼于另一个欲望。
  如果说欲望的满足带来身体的(做爱以后的极度疲乏)和精神的(一场没有终点的长跑)疲乏,那随之而来的空虚也是种痛苦。对别人的欲求,是否是像追求一件物品那样追求一个没有内容的人体空壳呢?想成为别人欲望的目标,是否得否定自我的存在,是否是一种死亡的形式,是否是我们自由的死亡?这可能就是那些面无表情,象物体一样被摆放在空洞而冰冷的环境中的夫妇建议我们思考的东西吧。
  欲望的结果除却死亡就没有其它了吗?罗发辉给我们指出了一种模式,甚至也指出其根源。看到画作“禁果”,怎么不会想到圣奥古斯丁(Saint-Augustin)说的原罪呢?在罗发辉的这幅作品里,在母亲冰冷的睡眠中,初生儿的身体也是冰冷呆滞的状态。原罪的继承人,因欲望而诞生。因为生于贪欲,孩子不能幸免于这种命运...
  罗发辉还说道:“我不知道爱是什么,我只知道欲望的真相。”如果救世是不可能的,那我们基于欲望之上的生命就是令人失望的。

  那该不该希望欲望的消亡吗?该反对它吗?
  罗发辉在指出欲望引发死亡的同时也启示欲望对生活的建设作用。 欲望就好比生活的发动机。
  欲望事实上是人的主要特征吗?是他全部的财富吗?是创建自由的基础吗?是所有行动项目的根源吗?是推动历史的发展和世界变化的因素吗?画家,没有欲望,能搞创作吗?
  应该指出,就如尼采(Nietzsche)强调的那样,反对欲望就是对生活本身的贬低。因为害怕痛苦而放弃欲望是否与生活的发展背道而驰?再看看德勒兹(Deleuze)和伽塔里(Guatarri)的观点吧,他们不认为欲望是因为无法满足而产生的:欲望产生现实。
让我们从这个角度来看看罗发辉的作品吧。

欲望和纯洁

  他的作品是不是对欲望的称颂?即使产生痛苦和危险,欲望却仍然因其带来肉体的无比欢娱而使两个人共沐爱河。
  罗发辉的作品是不是以一种美好的方式颂扬情色和纯粹的享乐呢?这种纯粹的享乐超越了一切将人们带向天堂,带向远离肮脏和污秽城市的地方。
  尽管罗发辉说过他不知道爱是什么,但这些女性完美的身体不由得让人想到那些爱情故事里殉情的女主人公。

   “如果我们生活的世界达到完美状态了,”罗发辉说,“那么,没有希望再能激励我们,也不会有欲望,当然也不会有灵感了。”同样,世界的不完美和这种不完美引发的欲望印证了罗发辉作为艺术家的命运。罗发辉,欲望的画家,不否认欲望的价值,不排斥欲望。他捍卫纯洁的欲望,谴责它的不健康和荒唐。
  当其作品使人们注意光滑的白色和腐烂的肌肤时,罗发辉却将健康,纯洁与肮脏,腐朽对立起来。他反对对享乐的荒诞追逐,享乐创造空洞的价值,带来危险和潜在的不安全。在生活的纷杂和重大活动背后,画家揭露其基本的东西:动荡的城市,流于表面的和谐,外表光鲜美丽的毒苹果......

***

   “小时候,我的欲望很简单:想办法找来画纸弄来画笔。终于有一天我动用了父亲给我买牙疼药的钱。父亲的牙没有治好,因为我买了画画的材料......从此以后,每当我牙疼,我都会想起我可怜的父亲。”后来,“在美术学院学习的时候,图书馆有一套西方美术全集。放在走廊上玻璃柜里每天翻一页的,没办法真正的一页页翻看,我就这样透过美术学院走廊里的玻璃看每天一页展示出的图片,看完了西方的绘画作品。所以我第一个月的微薄的工资就用来买了一本西方绘画辑。”后来,“我的欲望也变得复杂起来...”
  罗发辉申明他不代表任何文化,他是属于时代的画家。他艺术的本质不是借鉴这种或那种文化,这种借鉴只是在不同时期偶然产生的联想。敏感是罗发辉最大的武器:由于童年时期特殊的时代背景,在自由中,这种敏感就毫无拘束的发展起来...

 


LUO FAHUI
La peinture, expérience du temps

Par Stéphanie DEBUE
作者 : Stéphanie DEBUE- 施静怡

Petit homme fluet, amateur de fumée, de café aussi, le peintre aux yeux tristes et rusés déambule dans son grand atelier dont les murs et la surface sont envahis de grands formats. Peintre prolifique ? Oui, pour Luo Fahui, la peinture est un besoin impérieux qu’il satisfait au jour le jour.  « J’ai en moi davantage de peinture que de pensées ». Luo Fahui pointe ici deux choses : le fait qu’il est peintre par nature, et le fait que sa peinture traite d’une histoire et d’émotions très personnelles. Le social et le politique ne sont pas son sujet.

Il quitte un instant le grand sofa sur lequel il s’était reposé, recule et jauge l’œuvre en cours. Luo Fahui n’est pas satisfait. « Parfois, il m’arrive de devoir peindre longtemps avant d’arriver au résultat escompté. Parfois, il faut savoir laisser reposer l’œuvre, y revenir plus tard ». Mais Luo Fahui de nouveau s’agite. Il ne laisse pas l’œuvre reposer longtemps. Juché sur un tabouret, le visage à hauteur d’un grand visage peint, il fait jouer son pinceau. Puis de nouveau s’éloigne, et jauge.
Le processus de création et la nature de l’œuvre ne font qu’un : c’est le désir qui anime ce peintre du désir. Entrer dans l’atelier de Luo Fahui apporte la rare démonstration d’une parfaite union entre ce qui anime le geste du peintre et ce que ce geste parvient à coucher sur la toile : un monde inédit dans lequel les fleurs et les femmes sont indécemment offertes, les corps exposés dans un blême repos après l’amour. Mais l’expression de ce désir de peindre ne sera jamais spectaculaire chez Luo Fahui : le désir est intériorisé, le geste sobre, l’oeuvre y gagnant une discrète et poignante beauté.


Petite histoire du désir

La peinture de Luo Fahui, au-delà du premier choc, éveille chez le regardeur de multiples interrogations. Car Luo Fahui peint un désir empreint de tristesse, mâtiné de drame. Peintre du blême, du presque translucide, peintre des chairs ulcérées. Peintre de l’assouvissement, peintre du danger, peintre de la fausseté, peintre de l’absurdité. 
Point de discours social, point de discours politique évidents donc dans son œuvre, comme une façon d’échapper au « tout politique » d’autrefois. La révolution culturelle, particulièrement virulente à Chongqing, a marqué l’enfance de Luo Fahui, né en 1961. « Je me souviens de scènes épouvantables, mais paradoxalement, ce fut une époque de grande liberté pour l’enfant que j’étais». Séparé de ses parents et de sa sœur pendant cette période, il expérimente les rares jeux à sa portée. « Muni d’un morceau de charbon de bois, je dessinais sur les murs blancs des maisons. Plus on me punissait, plus je prenais du plaisir à le faire». Ce plaisir avait du sens, il avait un goût de liberté. Poursuivant son plaisir, l’enfant regardait à distance et comme une farce les scènes absurdes et cruelles de l’époque.
Mais ce qu’aujourd’hui les œuvres du peintre semblent nous dire, c’est que le plaisir est difficilement dissociable de la souffrance, et qu’il ne mène pas toujours à la vérité, sans doute parce que la liberté est une urgence à présent oubliée.
A l’époque, « notre désir visait la liberté ». Aujourd’hui, les désirs poursuivent des objets différents : « les jeunes se plaignent de leur pauvreté. Pour moi, la pauvreté n’a jamais été une véritable souffrance. Le manque de liberté, lui, provoquait la souffrance ».
Le monde de Luo Fahui


Cultivant son œuvre profondément personnelle, Luo Fahui n’a pas de disciples, pas d’élèves. « La peinture est acte individuel. Le peintre est indépendant. Personne n’a le pouvoir de l’aider. Je n’ai le pouvoir d’aider personne. Aider quelqu’un à peindre !? C’est comme si on me demandait d’aider quelqu’un à prendre du bon temps pour lui-même ! (…) Je ne suis parfois pas si sympathique avec les jeunes artistes qui m’entourent et me sollicitent…».

Entrer dans l’univers personnel du peintre Luo Fahui, c’est d’abord s’imprégner des couleurs, porteuses d’une lancinante tristesse, faite de déclinés du noir au gris-blanc, réveillés par le rose et le pourpre, teintes attirantes et repoussantes à la fois.
Le gris qui naît du sombre se fait brumeux, nuageux, tandis que le gris naissant du blanc se révèle lisse et froid. Lisses et froids sont les corps, figés dans l’épuisement qui suit l’acte d’amour. Au siège du plaisir apparaît le rose-rouge, tandis qu’en d’autres lieux du corps se sont formées des blessures dont la couleur pourpre s’allie au noir.
Le pourpre sombre rend la profondeur de la blessure, et aussi son évolution dans le temps. L’acte soudain de blesser, dans toute sa violence, est invisible. N’est donnée à voir que la trace de l’acte, la blessure dans sa durée, l’ulcération lente de la chair, la putréfaction qui gagne les chairs voisines.
Ainsi le rouge du désir amoureux s’associe au rouge de la souffrance. La série des fleurs (les grandes « Roses » de Luo Fahui), peut se ressentir d’une façon semblable : roses au cœur séduisant et inquiétant, à la fois promesse de plaisir et de tourmente sans fond.


La peinture, expérience du temps


Luo Fahui conçoit son œuvre comme une suite d’expériences-expérimentations, toutes non calculées car issues d’une réaction au temps (sa perception du monde évolue et varie au fil du temps) et tournées vers une exploration intérieure. L’œuvre, prenant sa source dans la vie, n’est rien d’autre que la trace imprévisible du temps sur l’artiste. Luo Fahui ressent l’instant, et donc parle peu, explique peu, ne théorise jamais.
Observons alors l’effet du temps sur l’artiste à travers le rituel des « Roses », qui depuis le début des années 2000 jusqu’à aujourd’hui ont évolué dans leur aspect.
Depuis longtemps, Luo Fahui « cultive » ces « Roses » et dramatise progressivement son propos. Jusqu’en 2003 environ, les « Roses », quasiment artificielles dans leur apparence brillante et « siliconée », peintes sur fond abstrait, semblaient représenter une beauté illusoire. Puis, peu à peu, de beauté illusoire, objet du désir, elles deviennent beauté fascinante, attirantes et répulsives, vivantes dans un contexte brumeux de nuages et de ville sombre. Leur cœur nébuleux fait de pourpre et de noir, beaucoup plus éloigné dans sa forme, comparativement aux premières roses, de l’organe sexuel féminin, affiche ses promesses incertaines… D’un désir qui, comme une erreur, s’exerçait sur un objet faux, Luo Fahui passe à la description d’un désir-piège, visant un objet dangereux.

Parallèlement à cette dramatisation du propos, Luo Fahui se dit plus détendu qu’auparavant lorsqu’il peint, l’esprit moins torturé. Comment donc comprendre cette dramatisation du discours associée à la « relaxation » évidente du peintre ? Comment les deux tendances peuvent-elles aller de pair… ?
Le temps irrite les entrailles de Luo Fahui. Le corps, à présent plus que l’intellect, éprouve et ressent les changements du monde. Luo Fahui a développé avec le temps cette capacité à peindre avec son corps, à peindre par nature, à rendre le processus de création naturel et authentique, « à peindre comme on fait l’amour », c'est-à-dire à s’oublier soi-même, dans une démarche de purification, d’élimination de toute vaine perturbation. Ainsi vont les « Roses », s’émancipant du faux pour vivre le drame réel du monde…


Musique de l’œuvre

Existe-t-il de meilleure musique que celle de Baudelaire pour accompagner l’œuvre silencieuse de Luo Fahui ? Sans doute non. Etrange écho entre les « Roses » de Luo Fahui et « Les Fleurs du Mal »…
Etonnante similitude entre le poème « Elévation » et le « Monde des Immortels » de Luo Fahui :
« (…) Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
 Va te purifier dans l’air supérieur, (…)
(…) Derrière les ennuis et les vastes chagrins
 Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
 Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
 S’élancer vers les champs lumineux et sereins ; (…) ».
Les immortels de Luo Fahui, ignorant les lois de la pesanteur, flottent en toute légèreté au-dessus de la ville noire agitée par le désir. Leurs corps enfantins, presque asexués, délivrés des affres de l’envie, ont perdu toute consistance et miment la « Naissance de Vénus ». La mer d’où est née la déesse de l’Amour est remplacée par un paysage urbain sombre et tourmenté, le coquillage par une rose nébuleuse. Les petites fleurs de Luo Fahui, comme celles de Boticelli, volent au rythme de la chevelure de la déesse, au gré des mouvements de « l’air supérieur ».
Si les immortels de Luo Fahui ne miment pas toujours la « Naissance de Vénus », ils répliquent parfois, dans un humoristique ballet, les gestes du désir d’ici-bas. Que dire de cet immortel portant des lunettes de soleil, de Vénus riant sous cape, d’autres observant avec curiosité et ironie le sombre désordre de la ville située en contrebas ?!
Les immortels de Luo Fahui sont aussi d’immenses visages blêmes dansant lentement dans les nuées silencieuses, détachés des attentes du corps. 

L’œuvre de Luo Fahui a cela de particulier qu’elle vogue sur le silence : la souffrance ne crie pas, la ville sonore et tourmentée est tenue à distance, le désir apaisé car mort dans son assouvissement ; seuls les immortels dansent.
A la vue de certaines œuvres, le regardeur occidental se prend à souhaiter qu’une musique céleste résonne, celle de l’orgue peut-être … Réminiscences des décors plafonnants peints à fresque dans nos églises italiennes …


Au-delà du désir

Le désir crée un mouvement, il ouvre la possibilité de ce qui n’est pas encore, il touche à l’avenir. Compromet-il l’avenir ou le construit-il ? C’est ce à quoi l’artiste Luo Fahui nous fait réfléchir.
La mort rôde sur les tableaux de Luo. Lividité des corps, visages et attitudes raidies, tels des gisants de marbre, yeux définitivement fermés ou regard vide fixant encore dans la mort l’objet du désir, draps tels des linceuls : tout nous rapproche de la tombe.
La mort, conséquence malheureuse et fatale d’une folle course à la satisfaction des désirs ? Sur le corps sans vie, la souffrance a laissé des traces. Il semble aussi que la mort survienne à l’issue de l’épuisement, un épuisement non pas suivi d’un repos bienfaiteur, mais qui mène au repos éternel… D’où vient la souffrance ? D’où vient l’épuisement ?
Le peintre semble reproduire, dans son processus de création, la poursuite effrénée de l’assouvissement du désir. Le rituel de la « Rose », la frénésie de peindre la « Rose », toujours de même nature mais jamais tout à fait semblable à la fois précédente, miment quasiment le processus de satisfaction du désir, qui, une fois assouvi, va, dans une incessante logique, porter sur un nouvel objet.
Si l’assouvissement du désir mène à l’épuisement physique (les corps pantelants après l’amour) et moral (une course jamais finie), il est aussi souffrance en raison du vide qu’il entraîne. Désirer l’autre, n’est-ce pas le vider de sa substance, le réduire au statut d’objet ? Vouloir devenir soi-même objet du désir de l’autre, n’est-ce pas nier notre propre existence, n’est-ce pas une forme de mort, la mort de notre liberté ? C’est peut-être ce que suggèrent ces couples nus aux visages sans expression, posés comme le seraient des objets, dans le vide et le froid environnant.
Au-delà du désir, la mort et rien d’autre? Luo Fahui nous donne à voir la fin d’un modèle, et nous fait même remonter à ses origines. Comment en effet ne pas penser au péché originel dont parle Saint-Augustin, à la vue du grand tableau « le Fruit défendu » ? L’œuvre de Luo Fahui va jusqu’à figer le corps du nouveau né dans le glacial repos qui a déjà gagné sa mère. Héritier du péché originel, car né du désir, né de la concupiscence, l’enfant n’échappe pas à son destin…
Luo Fahui dit encore : « Je ne sais ce qu’est l’amour ; je ne connais que la réalité du désir ». Si la rédemption n’est pas possible, alors le modèle de notre existence, fondée sur le désir, est désespéré.

Faut-il alors souhaiter la mort du désir ?! Faut-il le condamner ?
Luo Fahui, en pointant avec vigueur les aspects destructeurs du désir, fait surgir à l’inverse la question d’un désir constructeur, la question du désir comme moteur de la vie.
Le désir n’est-il pas en effet la caractéristique essentielle de l’homme ? N’est-il pas toute sa richesse ? Le désir n’est-il pas ce qui fonde la liberté ? N’est-il pas aux racines de tout projet ? N’est-il pas ce qui fait avancer l’histoire, ce qui transforme le monde ? Le peintre, sans désir, créerait-il ?!
Ne faut-il pas souligner, comme le défendait Nietzsche, que la condamnation du désir est une dépréciation de la vie ? Le renoncement par peur de souffrir  ne serait-il pas contraire à l’expansion de la vie ? Citons également Deleuze et Guatarri qui ne conçoivent pas que le désir soit un manque : le désir est ce qui produit le réel.
Regardons alors autrement l’œuvre de Luo Fahui.


Désir et pureté

Ses toiles ne sont-elles pas une apologie du désir, celui qui, envers et contre toute souffrance, envers et contre tout danger, pousse deux êtres à s’embrasser, à s’aimer dans une magnifique volupté ?
L’œuvre de Luo Fahui ne célèbre t-elle pas de façon splendide l’érotisme, la sensualité, le plaisir pur qui transcende tout et conduit au paradis, à mille lieues de la ville noire et de ses pestilences ?
Ces superbes corps féminins ne font-ils pas penser à ces héroïnes mortes, mortes de désir, mortes d’amour peut-être, quoi qu’en dise Luo Fahui sur son ignorance de ce qu’est l’amour ?

« Si le monde dans lequel nous vivons touchait à la perfection », dit Luo Fahui, « aucune sorte d’espoir ne nous animerait, aucun désir, et donc aucune inspiration ne naîtrait ». Ainsi l’imperfection du monde et les désirs que cette imperfection entraîne justifient pleinement le destin de Luo Fahui en tant qu’artiste. Luo Fahui, peintre du désir, ne récuse pas la valeur du désir, ne le réprouve pas. Il défend sa pureté et stigmatise en revanche le malsain et l’absurdité.
Lorsque la plastique de son oeuvre fait se côtoyer la lisse blancheur et la chair putride, Luo Fahui ne fait qu’opposer le sain, le pur, au malsain, au corrompu. Il met en garde contre la poursuite absurde du plaisir qui crée le vide des valeurs et amène avec elle des dangers, une insécurité latente. Sous le chaos quotidien et le grand mouvement d’une époque, le peintre relève ces données constantes : la ville agitée, faussement harmonieuse, en vient à produire de belles pommes empoisonnées…

 

***


 « Jeune, j’éprouvais des désirs très simples : trouver du papier,  posséder un pinceau. C’est ainsi que j’ai utilisé un jour l’argent confié par mon père qui m’avait chargé de lui rapporter un médicament contre la rage de dents. Mon père n’a pas pu soulager son mal, car j’ai acheté du matériel de peinture… Depuis, lorsque j’ai mal aux dents, j’ai de sincères pensées pour mon pauvre père… ! ». Plus tard,  « après avoir jour après jour, page par page, regardé sans pouvoir les feuilleter à ma guise, les reproductions des œuvres occidentales, coincées derrière l’unique  « vitre-bibliothèque » dans le couloir de l’Institut des Beaux-Arts, j’ai dépensé mon premier modeste salaire dans l’achat d’un recueil complet de ces œuvres ». Ensuite, « bien sûr, mes désirs sont devenus un peu plus compliqués… ! ».
Luo Fahui, ne se réclamant ni d’une culture, ni d’une autre, se revendique avant tout peintre d’une époque. Les références empruntées à l’une ou l’autre culture ne constituent pas l’essence de son art. Elles ne sont que des réminiscences fortuites, qui font surface au fil du temps. La sensibilité personnelle de Luo Fahui est sa plus grande force : hors du cadre d’un environnement familial stable et régulateur, dans la liberté de l’enfance, elle s’est développée sans contrainte aucune…


 

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